L’hormèse

par 23 Sep 2022Nature0 commentaires

Temps de lecture : 4 minutes

Un principe clef du vivant à comprendre et à ré-expérimenter.

Nos modes de vie nous plongent dans des états de stress chronique, où la cortisolémie reste bloquée à des taux physiologiquement inadaptés pour le bon fonctionnement de nos organismes et il devient presque indispensable de « réapprendre à stresser ».
Notre système nerveux fonctionne selon deux modes : le système nerveux sympathique ou orthosympathique et le système nerveux parasympathique. Pour se représenter schématiquement ces deux modalités, nous pouvons comparer le premier, le système nerveux sympathique, à la pédale d’accélérateur d’une voiture. Le second serait quant à lui semblable à la pédale de frein.

Lorsque l’on se met en mouvement, physiquement ou mentalement, c’est le système sympathique qui est sollicité afin de mobiliser les ressources nécessaires à la tâche concernée. Après l’activation sympathique, consommatrice de ressources et que l’on qualifie donc de phase catabolique, l’organisme va pouvoir se régénérer au travers d’une phase parasympathique, dite anabolique, durant laquelle nous reconstituons nos réserves avant la prochaine sollicitation. La compréhension générale de ces mécanismes nous permet d’adapter nos comportements afin de les orienter vers des habitudes de vies plus respectueuses de notre physiologie. Nous ne pouvons effectivement pas nous soustraire à ces principes, si ce n’est au prix de certains désagréments. Il me semble important ici de clarifier la nuance entre principes et règles. Les principes sont des éléments qui s’imposent à nous lorsque les règles sont des conduites que nous nous imposons à nous-mêmes.

Même si les remédiations techniques (entendez là tous les artifices utilisés par l’Homme pour s’extraire peu à peu de sa condition d’animal nu au milieu d’une faune pourvue d’écailles, de griffes, de plumes etc.) nous auront permises de nous extraire partiellement de certaines réalités (comme par exemple l’alternance du jours et de la nuit grâce à l’emploi d’abord du feu, puis des différents type de lampes jusqu’à nos systèmes d’éclairages « modernes »). Il est intéressant de comprendre les implications de ces usages afin de les employer avec plus de sagesse. Cet exemple illustre bien le double tranchant inhérent à l’emploi de la plupart de nos technologies.

D’un coté, le feu aura permis de nous éclairer, de nous protéger des prédateurs, de cuire nos aliments et même selon certains chercheurs, aurait contribué au développement de notre cerveau*.

De l’autre, l’utilisation massive des lumières artificielles et l’omniprésence de celles-ci dans nos champs de visions ont eu des conséquences considérables sur l’équilibre de nos cycles circadiens. Quand on connait l’importance du respect de ces cycles, on comprend mieux les effets néfastes de cet environnement artificiel sur nos organismes. La réponse ? Des lunettes de différentes teintes en fonction de l’heure de la journée et du type d’éclairage ambiant ? Et pourquoi pas ? Sauf que là encore, on nous vend de la remédiation technique, des artifices extérieurs.

À ce stade, vous devez vous demande : « et l’hormèse dans tout ça, c’est quoi le rapport ? »

Le principe de l’hormèse peut être appréhendé selon plusieurs angles. Je fais ici le choix de l’aborder selon l’angle d’un retour à la nature, celle autour de nous et celle qui est en nous.

Les 5 « portes d’entrées » classiquement évoquées lorsque l’on aborde ce thème sont :
– l’exposition au froid,
– l’exposition au chaud,
– le jeûne,
– l’hypoxie intermittente (apnées),
– l’exercice physique de haute intensité (le High-Intensity Interval Training par exemple).

Bain dans une source glacée

Le principe hormétique veut que l’exposition volontaire, adaptée et consciente à ces différents éléments, si elle est suivie d’un temps de repos relatif à l’individu, entrainera des améliorations de l’organisme dans son ensemble. Notez que, hormis peut-être l’hypoxie intermittente qui semble sortir du cadre naturel d’évolution de l’Homme (à l’exception des traditions de pécheurs en apnée), tous ces « agents stressants » étaient jusqu’à il y a peu, des éléments constitutifs de nos modes de vies ancestraux. Des éléments « naturels ». Et voici donc là le pont avec ma longue introduction.

L’usage des habits nous a évidemment permis d’explorer et de coloniser des contrées beaucoup trop inhospitalières pour nos organismes nus, l’utilisation des différents systèmes de chauffages nous a donné la possibilité d’occuper de façon permanente des lieux auparavant difficilement vivables, la présence de plus en plus répandue des climatisations nous apporte un confort certain dans nos quotidiens desquels la douleur et l’adversité semblent devoir être supprimés. Or si l’idée d’un thermostat constant réglé sur 20°C toute l’année entre le bureau, la voiture et le salon semble séduisante, posons la question de l’autre tranchant ? Qu’en est-il de notre faculté d’adaptation aux variations de l’environnement ? Vous connaissez la réponse. « Use it or Lose it »** comme aiment à dire nos amis anglophones. Lorsqu’on n’utilise pas une fonction, en physiologie, elle s’atrophie. À contrario, si l’on sollicite raisonnablement l’organisme, ses fonctions adaptatives vont se développer.

Un joyeux bain frais

L’exposition à ces « facteurs de stress » va donc entrainer une adaptation de l’organisme et permettre de repousser toujours un peu plus loin les capacités adaptatives de l’individu. La bonne nouvelle étant que quelle que soit la voie que l’on va privilégier pour déclencher les réactions d’adaptation, ce sont globalement les mêmes cascades de réactions qui vont se mettre en branle. Le corps détecte le danger, le système nerveux, via l’hypothalamus envoie un signal aux glandes surrénales qui vont à leur tour sécréter des quantités importantes d’hormones telles que la noradrénaline. Ces hormones représentent un signal épigénétique et « commanderont » aux noyaux cellulaires d’activer l’expression de tel ou tel gène. Gènes qui représentent le « bon de commande » pour la production de telle ou telle protéine.

Ces connaissances physiologiques acquises et objectivées par les méthodes d’investigation scientifiques actuelles permettent à certains de se donner une motivation pour passer à l’action, ce qui fût mon cas. Car effectivement, il s’agit bien là d’aller chercher certaines formes d’inconfort, qui peuvent sembler parfois inatteignables mais pour lesquelles nous sommes pourtant largement « équipés », c’est notre nature. Nous nous sommes transformés durant des millions d’années et la mémoire de cette évolution, bien qu’inaccessible à notre « mémoire consciente » reste inscrite dans nos organismes, il ne tient qu’à nous de rafraichir ces données, déjà présentes en chacun de nous.

Ces pratiques, pour résumer, consistent à s’exposer à des stress intenses et de courtes durées, pour ensuite laisser le corps s’imprégner des effets de la pratique et infuser au sein de chaque parcelle de notre organisme.

Dans un prochain article, je vous parlerai de mon passage à l’institut Maurice Daubard et nous reviendrons plus en détail sur l’exposition au froid.

* En effet, au travers des moments particuliers que sont les cérémonies et autres rassemblements autour d’un feu, l’esprit humain, l’imagination, la transmission d’histoires et la sophistication du langage auraient pu s’étendre vers d’autres dimensions, pas forcément accessible dans le contexte diurne pour lequel les humains étaient équipés.
** “Utilise-la ou perd-la”

<a href="https://compagnie-aventuriers.fr" target="_self">Robin</a>

Robin

Associé fondateur de la Compagnie des Aventuriers, grand baroudeur, il a usé ses bottes surtout sur les chemins d'Asie, il retape désormais une vielle ferme dans les Alpes après sept années dans l'Himalaya. Anthropologue de formation, il se passionne de tout, botanique, zoologie, mycologie, écothérapie, hypnothérapie, et bien d'autres sciences. Il ne maîtrise que quatre langues mais voudrait en parler une douzaine et au grand dam de son épouse, il collectionne les cailloux...

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